1100 liens privés
Entretien avec l'auteur de : Jean-Paul Payet, École et familles. Une approche sociologique, De Boeck, 2017.
Dans ce livre vous parlez de professeurs "domestiqués" par certains parents. Le terme n'est pas trop fort ?
C'est souvent le cas avec les parents très favorisés. Le mot fait référence à ces familles très bourgeoises qui ont du personnel de maison et qui finalement étendent ce type de rapport aux enseignants. Dans ce milieu les parents ont une forte capacité à mettre les enseignants en rivalité. Ils disent par exemple que l'an dernier M. X. faisait comme cela. Ou qu'ils préfèrent la façon de faire de Mme Y. Dans ce petit monde de parents il y a un marché des réputations auquel il est difficile de résister. C'est très différent des quartiers défavorisés où les parents se plaignent peu et où les enseignants font plus corps.
Recension du livre Des parents invisibles. L’école face à la précarité familiale de Pierre Périer (PUF, 2019) et entretien avec son auteur.
Dans ces familles, les attentes à l’égard de l’école sont singulièrement élevées car, étant dépourvues des ressources et de l’héritage pouvant préparer l’avenir de leur enfant, elles dépendent plus que d’autres des chances et perspectives promises par la voie scolaire. Or, ces familles sont précisément celles qui peuvent le moins, que ce soit pour aider ou faire aider.
Entretien avec Jean-Paul Payet sur les relations école-parents dans le contexte du confinement, de la continuité pédagogique et du distanciel.
C’est bien l’impensé de l’aggravation des inégalités sociales dans l’enseignement à distance qui me fait dire que, à l’école comme d’autres domaines, la logique d’État a définitivement changé. L’État organise, met à disposition des ressources ; aux parents de s’en saisir et de se mobiliser, de « s’activer ». La responsabilité collective est limitée, la responsabilité individuelle, elle, est sans condition et sans fin. Peu importe qu’il n’y ait qu’un ordinateur par famille, voire aucun, peu importe que les conditions de logement ne soient pas favorables à organiser l’école à la maison, peu importe etc. : « parents, vous êtes responsables ! ». L’école à la maison aura finalement produit deux logiques opposées : le bachotage, pour les familles familières de l’école, le décrochage, pour les familles qui sont éloignées de ses codes.
Compte-rendu d'une intervention de Pierre Périer lors de Rencontres GFEN
Trop souvent, faute d'espaces pour le faire, la légitimation réciproque et les principes de justice ne sont pas assez pensés, notamment envers ces parents "invisibles" trop vites suspectés de démission. Une ferme délimitation de "qui doit faire quoi" dans les tâches scolaires peut permettre de déminer les "situations de conflit", et réduire l'externalisation des causes des difficultés. Une clarification des règles d'échanges peut permettre de s'assurer de la participation du plus grand nombre. L'explicitation des enjeux de savoir et d'apprentissage. Pour cela, la création de collectifs est à la fois un but et une ressource.
Entretien avec Pierre Périer autour de son livre : Pierre Périer, Des parents invisibles. L'école face à la précarité familiale. Collection Education & société, PUF.
Pour vous cette coopération entre l'école et les parents est "une domination douce". N'est ce pas une formule dure ? Du coup il faut interroger cette coopération. Elle a été élaborée de façon unilatérale par l'école. C'est l'école qui définit seule les règles et les conditions de la rencontre avec les parents. Elle est très normative. L'école demande aux parents d'avoir les compétences nécessaires pour endosser le rôle de parent d'élève. L'école ne se met pas en danger avec cette coopération qui lui permet de se dédouaner à bon compte. Sous le prisme de la coopération avec les parents on fabrique des parents défaillants et l'école se dédouane à bon compte. Cette coopération est un piège pour les parents. On voit qu'elle est inégalitaire. Si elle produit ces inégalités c'est parce qu'elle est pensée et portée par l'institution scolaire de façon unilatérale.